Ses débuts
Gaston Tanchon voit le jour à Douai, place Carnot, le 11 décembre 1920. Son père est cheminot, sa famille s’installe dans la Cité des Cheminots, tout juste sortie de terre. Le jeune Jacques fréquente l’école Denis-Papin et l’Harmonie du quartier. Il étudie la musique au Conservatoire de Valenciennes (ville où son père est muté) et apprend le violon. Plus tard, la guitare deviendra son instrument fétiche. Il sera un des premiers à s’accompagner lors de ses récitals sur scène avec cet instrument.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, il se retrouve en zone libre et fréquente l’Ecole Nationale des Cadres de la jeunesse d’Uriage. Destinée par le gouvernement de Vichy à former les futures élites, elle sera surtout un foyer de résistance, et, pour cela, fermée en 1943. Gaston y puisera, entre autres, ses idéaux d’éducation populaire.
Après-guerre, il veut faire du théâtre et chanter. Il croise le chemin de la Compagnie Grenier-Hussenot qui, jusqu’en 1957, produira quelques-uns des plus grands succès du théâtre contemporain. Rosy Varte, Jean Rochefort, les Frères Jacques y firent leurs débuts. Le directeur de la compagnie lui dit « Tu veux chanter ? Alors, il faut que tu saches faire chanter les autres ! » Il suit alors un stage de chant choral et découvre le répertoire des chansons populaires, celles « que l’on peut chanter tous ensemble » dira-t-il.
Le saviez-vous ?
Jacques Douai est le premier interprète de la chanson « Les Feuilles mortes », écrite par Jacques Prévert et Joseph Kosma en 1949-1950 !
Ambassadeur de la chanson française
De 1947 à 1951, fort de cette formation exigeante, il tente sa chance dans les cabarets parisiens. Il choisit comme nom de scène celui de sa ville natale, et devient Jacques Douai. Il met en musique les textes de grands poètes comme Aragon. Au fil des années, il enrichit son répertoire de chansons à textes avec ceux de Ferré, de Brel, de Brassens, et remet au goût du jour les textes de poètes médiévaux, Villon et Rutebeuf, qui lui vaut le surnom de « troubadour des temps modernes ». Il occupe d’emblée une place particulière avec sa voix limpide et singulière.
Eloigné de la scène pour une tuberculose, il y revient en 1954. Si le monde de la musique a changé avec l’apparition de la télévision, son répertoire lui, ne change pas.
Son succès arrive en 1955 : il reçoit le Grand Prix de l’Académie Charles-Cros (qu’il décrochera encore en 1962 et 1968) pour son 1er album « Chansons poétiques anciennes et modernes » où figurent File la laine et Colchiques dans les prés, un classique du répertoire scolaire.
De 1954 à 1967, sa maison de disques, la Boîte à Musique (BAM) produira près de 30 albums (33 tours et 45 tours).
Pendant les années 50 et 60, les tournées et les interventions à la radio (France Inter) et à la télévision française se multiplient. Puis dans les années 70, il entamera un tour du monde, accompagné par une troupe de danse dirigée par son épouse Thérèse Palau, elle-même danseuse. Il devient l’Ambassadeur de la chanson française.
Partager, transmettre aux générations futures
La vie de Jacques Douai ne se résume pas à 50 ans de chansons. Dès les années 60, il mène une « double vie » professionnelle. Jacques Douai est à la fois animateur culturel, pédagogue et bien souvent administrateur au sein de différentes institutions qu’il fonde et qui lui permettent de poursuivre son but : démocratiser l’accès à la culture, éduquer les publics, et en particulier les enfants, à la pratique du chant et de la danse traditionnelle française et plus largement à toutes les disciplines artistiques.
En 1960, il crée avec son épouse, le Ballet National populaire des danses françaises et fondera également l’association Chants et Danses de France, puis le Théâtre populaire de la chanson, dont l’existence sera éphémère.
Mais c’est auprès des enfants qu’il continue d’agir inlassablement. A partir de 1982, avec sa seconde épouse, Ethery Pagava, danseuse étoile et chorégraphe, il se consacre au Théâtre du Jardin pour l’Enfance et la Jeunesse, installé au Bois de Boulogne, qu’il crée et dirige, jusqu’à sa fermeture en 2001. Grâce à lui, 300 000 enfants issus de tous milieux sociaux découvrent spectacles musicaux, théâtraux et de danse.
Aujourd’hui, un prix Jacques-Douai honore chaque année un interprète de la chanson française de qualité lors du Festival de Barjac.
Il décède le 7 août 2004 à Paris. Il est inhumé dans le carré grégorien de Leuville-sur-Orge, dans l’Essonne.
Interview de Jacques Douai, en 1956, par Jacqueline Joubert dans son émission "Rendez-vous avec"
Il y parle de son répertoire de chansons poétiques et de ses débuts dans le cabaret "chez Pomme" à Montmartre.
Colchiques dans les prés
Colchiques dans les prés fleurissent, fleurissent,
Colchiques dans les prés : c’est la fin de l’été
La feuille d’automne emportée par le vent
En ronde monotone tombe en tourbillonnant
Châtaignes dans les bois, se fendent, se fendent,
Châtaignes dans les bois, se fendent sous les pas.
La feuille d’automne emportée par le vent
En ronde monotone tombe en tourbillonnant
Nuages dans le ciel, s’étirent, s’étirent,
Nuages dans le ciel, s’étirent comme une aile.
La feuille d’automne emportée par le vent
En ronde monotone tombe en tourbillonnant
Et ce chant dans mon cœur, murmure, murmure,
Et ce chant dans mon cœur, appelle le bonheur.
La feuille d’automne emportée par le vent
En ronde monotone tombe en tourbillonnant
(Francine Cockenpot)
Interview de Jacques Bonnaffé
« J’ai toujours, dans ma vie, alterné entre le répertoire populaire (les Histoires de Cafougnette) et le répertoire érudit, littéraire. Et c’est à Douai que j’ai trouvé cette jonction où les deux répertoires se touchent. »
Cette phrase de Jacques Bonnaffé a naturellement créé lien et sens avec « le troubadour des temps modernes », Jacques Douai. Lui aussi natif de la Cité des géants, lui aussi amoureux des mots, de la poésie et des grands auteurs… tout comme de la culture populaire, pour tous.
Pitre* et comédien, tel qu’il se définit, Jacques Bonnaffé est un enfant du pays, un véritable vint’ d’osier. Né à Douai en 1958, ayant fait ses premiers pas sur scène avec la Comédie du beffroi, il a, en quarante ans de carrière, joué dans plus de 60 pièces de théâtre et autant de films (avec notamment Jean-Luc Godard, Jacques Doillon…).
Ardent défenseur du patois picard, il témoigne, encore aujourd’hui, au travers de son spectacle Cafougnette et l’défilé, de son profond attachement au Nord et à sa ville d’origine. Et porte haut les couleurs du beffroi. Tout comme Jacques Douai avait pu le faire en son temps.
- Avez-vous eu l’occasion de le rencontrer ?
Non. Nous sommes de générations très différentes. Il était honoré quand j’étais enfant, on me disait qu’il avait fait un chemin remarquable. Il y avait pour lui une part d’admiration presque muette.
- Quels sont les points communs que vous avez avec Jacques Douai (au-delà du prénom et de la ville de naissance) : l’amour des mots ? la poésie ?
Ce qui nous rapproche, c’est la poésie. On ne peut pas oublier certains poèmes de Villon (Frères Humains), Pauvre Ruteboeuf (Léo Ferré). A Douai, nous sommes tous des enfants de Gayant. On est composés de cette mémoire du poème avec Rimbaud, Marceline Desbordes-Valmore. J’ai une dévotion régulière à cette grande poétesse douaisienne … Il y a possibilité de mettre en chanson ces textes, avec quelques accords de guitare, comme Jacques Douai. Sauf que moi, ces poésies, je les braille !
- Tous les deux, vous avez une carrière impressionnante. Vous ne vous arrêtez jamais ?
Quand je m’arrête, je m’ennuie. Je pourrais m’arrêter, mais j’aurais toujours des textes à relire ou à redire. Je fais beaucoup d’autres choses, j’appartiens à des spectacles, je participe à des films. Mais cette espèce de liberté, de jonglerie avec des textes de poésie, c’est un peu continu.
- Quelles sont les émotions qui vous relient à Douai, au Nord, au-delà des relations familiales, amicales ?
Quand on aime, on ne compte pas. Pour dire son attachement, il faudrait une affirmation. Alors que, pour moi, c’est une série de questions. Le Nord, c’est gris … Oui, mais non. Curieusement, il y a plein de préjugés qui sont ainsi mis par terre. Et c’est ce qui nous fait aimer le Nord. Je suis enthousiaste. Et malgré certains constats parfois durs, ça va de mieux en mieux. Une ville, c’est un mélange, un vrai brassage de mondes sociaux et il faut que cela le reste.
Douai est une ville de renouveau. On y mène des tas d’expériences relatives à la nouvelle situation du climat. Les secteurs de la recherche et de l’expérimentation vont permettre de vraiment faire bouger les choses… Autour de Douai, en agrobiologie, de nouvelles fermes se créent, des lieux, des entreprises. C’est passionnant… Je pourrais aussi parler de la Scarpe. Son aménagement est réussi. Tout cela est né de la volonté des citoyens.
- Quel est votre plat préféré ?
Du hareng saur avec des pommes de terre ! Un plat que l’on mange les soirs où il fait froid, après des journées où il fait gribouille. Mi, à la maison, j’adore cuisiner la carbonnat’. Et avec une bonne bière !
*Jacques Bonnaffé, pitre et poète aux éditions de l’Attribut
Pour aller plus loin
Retrouvez cette interview sur le Suivez le guide n°4
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Colchiques dans les près Colchiques dans les près (Automne) (Récital 1)
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